Qu’est-ce que la biodiversité ? Quels sont ses liens avec le climat ? Que peut-on faire pour la préserver ? Quelle est la responsabilité de l’Homme ? Pour aborder ce sujet complexe, Trends Shaker Live a invité deux experts : Pauline Millot, chargée de missions RSE & Innovation chez ENGIE France Renouvelables et Bruno David, naturaliste spécialisé en paléontologie et en sciences de l’évolution et de la biodiversité, et président du Muséum National d’Histoire Naturelle.
D’après les derniers rapports du GIEC1 et de l’IPBES2, le changement climatique et l’érosion de la biodiversité sont deux crises intimement liées. Si le changement climatique exacerbe les risques pour la diversité des espèces vivantes, à leur tour, les écosystèmes sont essentiels pour capturer le carbone et ralentir le réchauffement climatique. La bonne nouvelle, c’est que la nature est très résiliente et que nous sommes capables d’inverser l’érosion de la biodiversité de manière extrêmement rapide. En restaurant les écosystèmes dégradés, en protégeant 30 à 50 % des terres, des cours d’eau et des océans, nous dit le GIEC, nous pourrons bénéficier de la capacité de la nature à absorber et stocker le carbone.
Se reconnecter à la nature
Pour le naturaliste Bruno David, il est urgent de reconnecter l’Homme à la nature. « On s’est longtemps considéré comme séparé de la nature, avec les humains d’un côté et la nature de l’autre. Aujourd’hui, nous réalisons que nous sommes en interdépendance avec le reste du vivant, et qu’on est un peu comme sur un terrain de foot : nous ne sommes ni arbitre ni entraîneur mais nous faisons partie des joueurs », explique-t-il. Éco-optimiste, il considère que l’avenir est entre nos mains : « nous avons des marges de progression importantes pour préserver la biodiversité, que ce soit à l’échelle des citoyens, des États et des entreprises. Et les meilleures marges de progression qu’on ait, c’est là où la situation est la pire. Parce que c’est là où on peut le plus progresser ! ».
Mieux comprendre pour mieux protéger
Les entreprises ont leur rôle à jouer, comme l’explique Pauline Millot : « nous prenons des engagements forts pour comprendre notre empreinte sur le monde du vivant et sur le climat, dit-elle. Créer, promouvoir et concevoir des projets d’énergies renouvelables qui soient toujours plus durables dans le temps fait partie de l’ADN d’ENGIE. Pour chaque nouveau projet de production d’énergies renouvelables - éolien, solaire photovoltaïque, hydroélectrique et biogaz -, nous travaillons en collaboration avec des écologues, des bureaux d’étude, des associations environnementales et les territoires pour bien comprendre le comportement des espèces et mieux les protéger. C’est grâce à ce vivier d’expertises et de complémentarités qu’on arrive à définir le projet le plus respectueux de la biodiversité, le plus efficace d’un point de vue énergétique et le plus adapté au territoire », précise-t-elle.
« Concrètement, nous réalisons des études d’impact sur le terrain afin d’identifier les grands enjeux, les habitats naturels et les espèces, mais aussi les interactions et la fonctionnalité écologique d’un site. Cela nous permet de mieux mettre en œuvre ce qu’on appelle la séquence éviter, réduire, compenser (ERC) qui a pour objectif d’éviter les atteintes à l’environnement, de réduire celles qui n’ont pu être suffisamment évitées et de compenser les effets notables qui n’ont pu être ni évités, ni suffisamment réduits. Après examen de cette séquence, on peut être amené à renoncer à des projets. Dans le grand Est par exemple, deux grands projets de parcs éoliens qui étaient à des stades de réflexion avancés ont été abandonnés pour préserver un rapace local, le milan royal, qui est une espèce protégée, inscrite sur la liste rouge de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). »
S’inspirer de la nature pour innover
On a tout à apprendre de la biodiversité. Et le biomimétisme prouve que la nature peut être source d’inspiration. « Il y a quelques années, raconte Pauline Millot, à la suite de plaintes à cause du bruit des éoliennes, on a cherché un moyen de réduire l’impact des pales lorsqu’elles feignent le vent. Quoi de mieux que de s’inspirer des rapaces nocturnes qui ont un vol très doux, très silencieux parce que c’est nécessaire pour eux pour chasser la nuit ? On s’est donc inspiré des plumes des chouettes effraie et des hiboux grand-duc pour designer des petits peignes qu’on a placés sur les bords de fuite des pales afin de casser les petits tourbillons qui se forment au niveau des pales et qui sont la cause du bruit. »
Tous observateurs de la biodiversité
Mieux comprendre la biodiversité est à la portée de tous. Il suffit d’ouvrir les yeux nous dit Bruno David : « Promenez-vous avec une loupe, soyez attentifs à ce qui vous entoure, regardez ce qui est tout petit. La biodiversité est partout ». Si le naturaliste déplore notre manque de curiosité et notre déficit de connaissances en matière d’histoire naturelle, il nous rappelle que les écoles sont un levier formidable pour favoriser l’émerveillement et la capacité d’observation. Dans cette même optique, Pauline Millot et les équipes d’ENGIE France Renouvelables ont créé un observatoire de la biodiversité en décembre 2021 avec Vigie-Nature (l’unité de science participative du Muséum d’Histoire Naturelle), le comité français de l’union internationale de la conservation de la nature (UICN) et l’université Paris Saclay. L’objectif ? « Permettre à des étudiants en formation d’écologie de venir observer la biodiversité dans l’enceinte des sites industriels de production d’énergies renouvelables d’ENGIE. Les étudiants peuvent ainsi mettre en pratique leurs apprentissages et se former à un métier potentiel. De notre côté, nous nous inspirons de leurs idées pour aller toujours plus loin dans la préservation des écosystèmes. C’est un échange gagnant-gagnant ! », précise l’écologue.