En la matière, ENGIE a beaucoup évolué en Amérique du Nord, passant de technologies carbonées à des solutions s’appuyant essentiellement sur les énergies renouvelables. Une partie de cette évolution découle d’acquisitions et, même si ce n’est pas toujours un processus fluide, cela nous a permis de conserver un esprit entrepreneurial. Nos talents pensent comme des entrepreneurs et s’interrogent sur la manière de faire croître notre activité ou de faire preuve de créativité pour rester compétitifs. C’est très rare dans les grandes entreprises.
Actuellement, nous produisons 4,6 GW d’énergie renouvelable, disposons d’une capacité de 2,9 GW à travers Energy Solutions et gérons 12 GW d’énergie éolienne et solaire, ainsi que 7,5 GW d’hydroélectricité à travers GEMS. Nous travaillons avec un total de 1 740 municipalités, hôpitaux, districts scolaires et universités, notamment celles de Georgetown, l’Iowa, l’État d’Ohio et Howard. Nous avons aussi de gros clients commerciaux américains et fournissons nos services à de grosses agences gouvernementales et services publics des États-Unis. Nous développons notre base au quotidien dans la région pour élargir notre périmètre et notre portefeuille client. Nous intervenons dans de nombreuses industries, ce qui nous procure une certaine sécurité. De ce fait, l’effet d’une crise dans un secteur est moins violent pour nous.
Lors du “Market Update”, le Groupe a indiqué que les États-Unis étaient une zone géographique prioritaire avec de fortes ambitions. Comment ce pays participe-t-il à la stratégie du Groupe ?
D.C. : L’Amérique du Nord est l’une des quelques régions du monde avec une activité dans chacune de nos Business Units. Avec 350 millions de personnes, plusieurs marchés énergétiques uniques et 400 000 TWh produits, la région possède un potentiel énorme pour les renouvelables, les clients C&I, la distribution de la production, les services énergétiques et le stockage durable sur batterie. Nous observons déjà une croissance dans la GBU Flex Gen & Retail avec un marché solide de l’hydrogène sur la côte américaine du Golfe du Mexique qui ne cesse de croître. L’une des principales contraintes aux États-Unis reste toutefois le transport d’électricité. La bonne nouvelle, c’est que des promoteurs indépendants commencent à construire des infrastructures alors que c’était auparavant une prérogative des services publics. En définitive, quand on regarde l’ensemble de nos offres, elles y sont toutes présentes à grande échelle.
La presse vous a récemment encensés pour l’inauguration d’un projet éolien et d’un parc solaire au Texas. Comment expliquez-vous ces formidables réussites dans les renouvelables et quel rôle l’IRA a-t-il joué en la matière ?
D.C. : Il y a un mois, nous avons inauguré dans le nord du Texas le projet éolien de 300 MW de Limestone et le parc solaire de 250 MW de Sun Valley associé à une batterie de 100 MWh qui entrera en fonctionnement en 2023. Cette réussite est le fruit d’années de travail en matière de recherche de terrains, de fusions-acquisitions et d’engagement pour accroître nos capacités renouvelables. En 2019, nous détenions moins d’un gigawatt en fonctionnement et aujourd’hui, seulement quatre ans après, nous sommes à 4,5 GW. D’ici fin 2023, nous prévoyons d’être à plus de 6 GW.
Notre réussite est due à nos collaborateurs sur le terrain qui travaillent avec les propriétaires terriens, avec les services publics pour obtenir les raccordements et avec nos clients pour conclure des contrats d’approvisionnement. Nous misons aussi sur l’Inflation Reduction Act (IRA) qui attribue des primes supplémentaires pour le déploiement des énergies renouvelables. Pour la toute première fois dans notre secteur, nous avons une visibilité sur près d’une dizaine d’années. L’IRA propose des primes très conséquentes en Amérique du Nord, mais cela ouvre aussi la voie à une forte concurrence.
Nos défis principaux concernent les contraintes en matière de transport d’électricité précédemment mentionnées, et les oppositions rencontrées près des installations (NIMBY, Not in my backyard). Par exemple, il faut parfois quatre ou cinq ans juste pour comprendre s’il est possible d’être raccordé à un réseau. Le marché des énergies renouvelables est solide, mais nous avons de nombreux défis à relever pour atteindre nos objectifs très ambitieux. Heureusement, nous pouvons compter sur une équipe formidable qui se concentre à 200 % sur les risques et les scénarios possibles.
Comment les gros opérateurs considèrent-ils les contrats d’achat d’énergie (PPA) avec l’accélération locale des énergies renouvelables ?
D.C. : De nombreuses grandes multinationales ont annoncé publiquement leurs objectifs en matière d’énergie renouvelable, et de nombreux États et services publics ont établi des objectifs en matière d’émissions de carbone. On notera que les actionnaires ont poussé les services publics détenus par le secteur privé à rendre leurs objectifs publics.
La région est très complexe en matière de PPA, car ces contrats ont énormément évolué au cours des 20 dernières années. Les gros clients en veulent tous, mais il convient de trouver un équilibre entre le profil de risque pour d’ENGIE Amérique du Nord et les besoins du client (pour tenir compte de la génération intermittente des énergies renouvelables). Précédemment, les risques n’étaient pas aussi bien compris et beaucoup de petites entreprises se montaient avant de se faire racheter ce qui, à bien des égards, favorisait le client. Le marché est désormais plus conventionnel et les promoteurs les plus avancés arrivent mieux à gérer les risques des marchés complexes dans lesquels nous évoluons. Tout cela doit être géré consciencieusement.
Vous avez de grandes ambitions pour les nouvelles activités du Groupe (projets de batteries de stockage avec une capacité de 3 GW et 1 GW d’hydrogène vert en 2030). Comment allez-vous les réaliser ?
D.C. : Nous avons commencé à développer nos propres batteries de stockage pour les énergies renouvelables il y a plusieurs années et les premiers projets commencent à entrer en exploitation. Nous devrions avoir un peu plus de 700 MW de stockage en ligne sur de nouvelles batteries d’ici fin 2023, tout en coordonnant les aspects opérationnels avec GEMS. Il s’agit d’une belle démonstration de « One ENGIE », car nous construisons et exploitons la solution, tandis que GEMS sera l’interlocuteur du marché pour ces batteries.
En outre, avec les entités Flex Gen & Retail et Energy Solutions, nous avons travaillé sur quelques acquisitions qui ont apporté des solutions de batterie supplémentaires pour atteindre nos objectifs à court terme. Le projet Monarch impliquait l’acquisition d’un pipeline auprès de Belltown Power, un petit promoteur au nord du Texas. De ce fait, les entités Flex Gen & Retail, Energy Solutions et Renouvelables travaillent sur des projets au Texas et dans d’autres États pour nous aider à atteindre nos objectifs.
L’une des principales contraintes que nous rencontrons actuellement concerne l’accès aux batteries. Le prix des batteries a augmenté en raison des problèmes sur la chaîne d’approvisionnement causés par le COVID et du différend commercial grandissant entre la Chine et les États-Unis. Comme la majorité de nos batteries proviennent de Chine, nous cherchons à diversifier nos sources d’approvisionnement et leur périmètre. Actuellement, il existe une forte demande pour des batteries, surtout en Californie et au Texas, qui s’étend à la côte est où la pénétration des énergies renouvelables s’intensifie.
Les entités Flex Gen & Retail, Renouvelables et Infras travaillent ensemble sur de l’hydrogène vert, mais s’agissant d’une industrie émergente, il n’existe pour le moment aucun projet opérationnel dans la région. Les travaux préparatoires pour atteindre 1 GW d’hydrogène vert d’ici 2030 ont toutefois déjà commencé. Nous échangeons déjà avec nos clients et les propriétaires de terrains, notamment au sujet de l’accès aux pipelines et au transport, ou du développement des énergies renouvelables pour nous préparer à répondre à cet objectif. Le Groupe nous soutient énormément pour les besoins de ces étapes préliminaires afin d’atteindre cet objectif de 1 GW d’hydrogène vert sur ce segment en développement.